Lorenzaccio - Acte IV - Scène 1

Au palais du duc.

Entrent LE DUC et LORENZO.

Le Duc.

J’aurais voulu être là ; il devait y avoir plus d’une face en colère. Mais je ne conçois pas qui a pu empoisonner cette Louise.

Lorenzo.

Ni moi non plus ; à moins que ce ne soit vous.

Le Duc.

Philippe doit être furieux ! On dit qu’il est parti pour Venise. Dieu merci, me voilà délivré de ce vieillard insupportable. Quant à la chère famille, elle aura la bonté de se tenir tranquille. Sais-tu qu’ils ont failli faire une petite révolution dans leur quartier ? On m’a tué deux Allemands.

Lorenzo.

Ce qui me fâche le plus, c’est que cet honnête Salviati a une jambe coupée. Avez-vous retrouvé votre cotte de mailles ?

Le Duc.

Non, en vérité ; j’en suis plus mécontent que je ne puis le dire.

Lorenzo.

Méfiez-vous de Giomo ; c’est lui qui vous l’a volée. Que portez-vous à la place ?

Le Duc.

Rien ; je ne puis en supporter une autre ; il n’y en a pas d’aussi légère que celle-là.

Lorenzo.

Cela est fâcheux pour vous.

Le Duc.

Tu ne me parles pas de ta tante.

Lorenzo.

C’est par oubli, car elle vous adore ; ses yeux ont perdu le repos depuis que l’astre de votre amour s’est levé dans son pauvre cœur. De grâce, seigneur, ayez quelque pitié pour elle ; dites quand vous voulez la recevoir, et à quelle heure il lui sera loisible de vous sacrifier le peu de vertu qu’elle a.

Le Duc.

Parles-tu sérieusement ?

Lorenzo.

Aussi sérieusement que la Mort elle-même. Je voudrais voir qu’une tante à moi ne couchât pas avec vous !

Le Duc.

Où pourrai-je la voir ?

Lorenzo.

Dans ma chambre, seigneur ; je ferai mettre des rideaux blancs à mon lit et un pot de réséda sur ma table ; après quoi je coucherai par écrit sur votre calepin que ma tante sera en chemise à minuit précis, afin que vous ne l’oubliiez pas après souper.

Le Duc.

Je n’en ai garde. Peste ! Catherine est un morceau de roi. Eh ! dis-moi, habile garçon, tu es vraiment sûr qu’elle viendra ? Comment t’y es-tu pris ?

Lorenzo.

Je vous dirai cela.

Le Duc.

Je m’en vais voir un cheval que je viens d’acheter ; adieu et à ce soir. Viens me prendre après souper ; nous irons ensemble à ta maison ; quant à la Cibo, j’en ai par-dessus les oreilles : hier encore, il a fallu l’avoir sur le dos pendant toute la chasse. Bonsoir, mignon.

Il sort.

Lorenzo, seul.

Ainsi, c’est convenu. Ce soir je l’emmène chez moi, et demain les républicains verront ce qu’ils ont à faire, car le duc de Florence sera mort. Il faut que j’avertisse Scoronconcolo. Dépêche-toi, soleil, si tu es curieux des nouvelles que cette nuit te dira demain.

Il sort.

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